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Soleil pourpre


Léger mal de ventre. Peut être que j’ai faim. Je ne sais plus quel jour on est, je laisse mon visage aux caresses du soleil, ça me fait du bien. Mes jambes sont engourdies à force d’être toujours repliées, j’essaie de respirer à cet endroit précis ; la pliure du genou. J’observe le creux à côté pour voir si la femme est toujours là mais je ne vois personne. Il y a beaucoup de poussière, j’entends encore le bruit des explosions dans mes oreilles. Parfois j’ai l’impression que moi aussi j’explose en mille morceaux, que mes membres se déchirent, mes articulations se cassent et mon corps tout entier se brise. Un souffle me fait soudainement frissonner. Je me lève. Je sens ma peau qui s’étire à certains endroits, ça fait mal, je m’efforce d’avancer mais je manque de tomber à plusieurs reprises. Du sang ruisselle sur ma jambe gauche et je remarque plusieurs blessures sur mes bras, mes mains et mon ventre. Je semble être seule ici, je ne sais pas où aller, j’ai froid. J’entends un gémissement lointain, je me demande si c’est mon esprit qui me joue des tours. Je décide de suivre le son. Je me rapproche d’un creux, il est sombre et semble respirer, quelqu’un est là. J’entrouvre les lèvres pour parler mais je ne parviens pas à articuler alors je me plonge dans le creux. Deux yeux humides brillent soudainement face aux miens, ceux d’un enfant, il doit avoir dix ans. Je lui tends la main mais il ne bouge pas, il semble effrayé. Je reste là un moment, la paume ouverte et tendue vers lui, j’essaie de communiquer par le regard avant de le baisser doucement. Après un long moment, sa main effleure la mienne, il la saisit et nous nous hissons en dehors du creux. Il trébuche, je me surprends à le retenir vivement. Il me regarde, des larmes coulent sur ses joues. Je le serre contre moi. Nous pleurons ensemble puis nous entamons une marche vers le sud. Nous faisons régulièrement des pauses pour que nos corps tiennent. Lui non plus ne parle pas, le silence me pèse mais je n’ai pas la force d’essayer de former des phrases. Le chemin est désert, la terre est rêche et traversée de fissures, elle a soif, comme nous. La nuit tombe et nous décidons de s’allonger dans un champs, je sais que l’herbe va s’humidifier et que nous risquons d’avoir froid alors j’entoure l’enfant de mes bras et cherche à ce que son corps ne soit pas en contact avec le sol. Plusieurs fois dans la nuit, il frissonne et gémit. Je ne sens plus le froid, je ne pense qu’à l’enfant, je veux qu’il vive encore.